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ADN, ARN, acides aminés, graisses, huiles, sucres, protéines, vitamines, toxines, oligo-éléments… Ces termes, tout à la fois très familiers et mystérieux, désignent les molécules des organismes vivants. Elles sont les briques élémentaires des systèmes biologiques.
Connaître leurs structures, leurs dynamiques, leurs interactions, leurs assemblages, leurs transformations est essentiel pour comprendre le fonctionnement du vivant, mais aussi pour pouvoir le prédire ou le mimer. Et, si besoin, agir sur lui pour guérir ou utiliser son potentiel à l’échelle industrielle.
Molécules, assemblages moléculaires, circuits métaboliques : comprendre, modéliser, prédire, mimer, modeler
Les recherches menées dans le périmètre de l’institut ont pour objectif de décrire :
- la structure et la dynamique des molécules du vivant, isolées ou associées en complexes ;
- les mécanismes moléculaires de reconnaissance et d’interactions qui mènent à la formation des complexes ;
- les transformations chimiques ou biochimiques de ces molécules ou de ces complexes ;
- leurs fonctions, c’est-à-dire leurs rôles pour le fonctionnement d’une cellule ou d’un organisme, et la manière dont elles sont régulées.
Ces analyses permettent de :
- quantifier, modéliser et prédire les phénomènes biologiques étudiés ;
- moduler les fonctions biologiques, par exemple en modifiant les molécules du vivant, en les mimant et/ou en les assemblant artificiellement.
Ces études sont impliquées dans de nombreux domaines de recherche.
Détermination de la structure en trois dimensions des composants du vivant
Par exemple, la structure d’une protéine ou d’un assemblage de protéines est une donnée essentielle pour concevoir rationnellement des molécules capables de l’empêcher de remplir son rôle. Si la protéine étudiée joue un rôle spécifique dans une pathologie, ce type d’étude peut déboucher sur l’identification de médicaments. Ainsi, la structure atomique du ribosome, une énorme machinerie cellulaire nécessaire à l’expression des gènes, permet de mieux comprendre comment de nombreux antibiotiques agissent sur son fonctionnement et d’imaginer comment les améliorer. À terme, ces travaux permettent de prévenir les mécanismes de résistance qui se développent à grande vitesse, en particulier dans les services de soins intensifs.
Biologie des systèmes et approches d’ensemble
La compréhension d’une fonction biologique donnée repose sur la prise en compte d’un ensemble (aussi appelé réseau) d’interactions et de réactions entre biomolécules qui sont très précisément coordonnées. C’est un des aspects de la "biologie des systèmes ", c’est-à-dire l’intégration d’un ensemble de données pour une analyse quantitative des phénomènes biologiques. On peut ainsi notamment comprendre comment le dérèglement provoqué par une pathologie perturbe la chaîne d’événements en question et proposer de nouvelles approches thérapeutiques.
Molécules mimant le vivant
L’élaboration de molécules mimant celles du vivant, mais modifiées, est très utile dans différents types d’applications telles que des approches d’imagerie "moléculaire", pour mieux voir et comprendre le vivant, ou des tests diagnostiques ou d’imagerie médicale, pour mieux prévenir et traiter les maladies.
Toxicologie et identification des composants nocifs
La caractérisation de la présence de composants nocifs, parfois à l’état de traces et souvent inconnus, dont l’origine est liée aux médicaments ou à notre environnement, ainsi que l’étude de leurs effets biologiques, nécessitent le développement d’approches originales issues de plusieurs disciplines qui constituent la "toxicologie". C’est aujourd’hui une question de société importante. Ce domaine prend un essor spectaculaire, en particulier dans le cadre du Grenelle de l’environnement et des nouvelles directives européennes très exigeantes telles que le règlement REACH (enRegistrement, Evaluation et Autorisation des substances Chimiques), un dispositif de contrôle destiné à mieux gérer les risques environnementaux et sanitaires des substances chimiques.
Déchiffrement des mécanismes énergétiques
L’étude des réactions chimiques impliquées dans des processus biologiques consiste notamment à comprendre les mécanismes de transformation énergétique. Dans le cas de la photosynthèse, c’est-à-dire de la transformation par les plantes de l’énergie lumineuse en énergie chimique, il s’agit de saisir l’efficacité extraordinaire de ce phénomène naturel. Caractériser précisément les molécules biologiques impliquées et les réactions chimiques en jeu pourrait sans doute donner des pistes pour l’élaboration de panneaux solaires plus performants qu’aujourd’hui, mimant les phénomènes naturels, ou pour la fabrication de biocarburants (comme le bio-hydrogène), en domptant les processus du vivant.
Machines moléculaires
La caractérisation des "moteurs" biologiques, c’est-à-dire des protéines qui utilisent de l’énergie (souvent chimique) disponible naturellement pour produire une force mécanique, permet de mieux comprendre différents types de fonctions biologiques, depuis la réplication de l’ADN jusqu’au transport de protéines. Mais c’est aussi une source d’inspiration pour l’élaboration de "machines moléculaires" artificielles. Pour citer un exemple, il est ainsi proposé de réaliser ainsi des "ordinateurs moléculaires" pour le stockage et traitement de l’information au niveau moléculaire.
Diminution des risques industriels et développement durable
Les composants biologiques sont aujourd’hui utilisés pour réaliser l’ensemble des réactions de l’industrie chimique et diminuer d’autant les effets polluants, toxiques et périlleux de l’industrie chimique. C’est le fondement même d’une industrie chimique "verte".
Les trois exemples précédents participent de ce qu’on appelle la "biologie synthétique", c’est-à-dire la réalisation d’un système artificiel avec une fonction donnée, à partir d’éléments biologiques existant naturellement.
Comment étudier les structures et fonctions du vivant ? Une approche multidisciplinaire et intégrée
Ces travaux requièrent des approches combinées, émanant de différentes disciplines, de la biologie, de la chimie, des sciences de l’ingénieur, de l’informatique, de la physique et des mathématiques. Une part de ce champ disciplinaire nécessite donc la mise au point d’instrumentations de pointe pour analyser de manière toujours plus fine et pertinente les briques de base composant le vivant. On peut assimiler ces approches à celles de la mise au point de "lunettes moléculaires" permettant de les voir et les étudier de près, mais aussi, avec un champ plus large, de les intégrer dans la cellule ou dans les fluides biologiques comme le sang, à l’image de ce que ferait un zoom optique.
Les approches biophysiques permettent d'obtenir des "images" du fonctionnement des molécules, depuis le niveau atomique jusqu'à des niveaux plus intégrés comme ceux des machines cellulaires complexes. Les progrès dans les méthodes de détection donnent aujourd’hui aux chercheurs des informations relatives à un édifice moléculaire unique, et non pas à une population, ainsi qu’à ses transitions dynamiques locales.
La modélisation moléculaire entreprend d’unifier les données portant sur les propriétés chimiques, structurales et dynamiques des biomolécules, afin de produire des modèles de leurs fonctions et interactions.
La biochimie permet quant à elle de suivre, de comprendre et d'analyser toutes les transformations qu'assure la cellule : production d'énergie, fabrication de molécules, réparation des lésions, élimination des déchets…
La chimie pour le vivant vise à mimer des molécules ou des réactions biologiques. Elle permet ainsi de fournir des outils pour l’étude de fonctions biologiques ou des médicaments qui contrecarrent une fonction pathologique. Les informations biophysiques et biochimiques sont aussi souvent nécessaires pour comprendre la manière dont les médicaments agissent et pour concevoir ou identifier de nouvelles molécules actives.
Les biomathématiques concernent la modélisation dynamique ou quantitative des systèmes biologiques.
L’approche bio-informatique est enfin une composante indispensable et transversale de ces travaux : elle concerne aussi bien le "mining" (simulation d’une propriété) que la hiérarchisation des analyses réalisées à haut-débit et le traitement ad hoc des innombrables données acquises par des systèmes dédiés de haute technologie.
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