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Le cerveau humain comporte cent milliards de neurones, chacun étant connecté à des milliers d’autres. Ces neurones sont associés à des cellules gliales dix fois plus nombreuses. L’extraordinaire capacité de traitement de l’information par le cerveau découle probablement de son organisation (moléculaire et cellulaire). Le défi majeur des neurosciences est d’analyser et d’intégrer la complexité inhérente à toutes les échelles de l’organisation du système nerveux pour comprendre les bases neurales des fonctions cognitives supérieures et des comportements.
Le code neural, les comportements et la pensée
De même que l’on a déchiffré le "code génétique" (structure en double hélice de l’ADN, 1953 et séquençage du génome humain, 2001), les chercheurs visent aujourd’hui à modéliser le "code neural", c’est-à-dire la manière dont l’interaction des cellules nerveuses entre elles et avec l’environnement produit les fonctions supérieures telles que la perception et la cognition. Ce code neural résulte ainsi de l’interaction fonctionnelle de neurones organisés en de multiples réseaux dynamiques. L’élucidation du code neural est capitale pour développer de nouvelles interfaces homme/machine et restaurer les déficits cognitifs chez les patients.
Les principaux enjeux scientifiques sont :
- décrypter l’organisation du système nerveux au niveau cellulaire (biologie moléculaire et cellulaire, biophysique), modéliser les réseaux neuronaux incluant les cellules gliales, comprendre le rôle des neuro-transmetteurs et de la communication électrochimique en général ;
- définir les règles d’intégration qui sous-tendent les grandes fonctions sensorielles, motrices, cognitives et comportementales, en développant les approches systémiques incluant par exemple la génétique du comportement, l’éthologie, l’évo-dévo (analyse évolutive et développementale intégrée) ;
- identifier les règles d’interactions de l’esprit humain avec le monde qui l’entoure. Comment le cerveau construit-il les inférences, perçoit-il le temps et l’espace, élabore-t-il les représentations mentales, les idées verbales ou non verbales, construit-il via les motivations et les émotions son expérience et prend-il les décisions ? Ces problématiques nécessitent des analyses comparatives entre le cerveau humain et celui de l’animal. Le défi est ici d’intégrer les neurosciences cognitives et les approches psychologiques, linguistiques, philosophiques, économiques.
Développement, plasticité, vieillissement du système nerveux
L’interaction entre gènes et environnement intervient à toutes les étapes de la mise en place d’un système nerveux fonctionnel, et elle contribue à sa plasticité au cours du temps. La plasticité est une propriété primordiale du système nerveux : elle est mise en jeu de façon prédominante au cours du développement, mais aussi lors de l’apprentissage, si important pour les êtres humains. La plasticité permet de s’adapter à l’environnement tout au long de la vie et lors de situations pathologiques. En ce sens, cette approche est étroitement liée à l’élucidation du "code neural" définie ci-dessus.
Citons quelques enjeux fondamentaux :
- Établir le rôle respectif des facteurs génétiques et épigénétiques (expression-transcription des gènes, remodelage de la chromatine) dans le développement du système nerveux : mise en place des assemblées neurales, régionalisation du système nerveux, migration des cellules neurales, différenciation neuronale et gliale, établissement des connexions, synaptogenèse. L’influence de l’environnement sur ce développement doit être prise en compte, ainsi que la façon dont l’interaction entre polymorphismes génétiques et conditions de vie influence les comportements.
- Analyser les caractéristiques des cellules souches neurales, au cours de l’embryogenèse et chez l’adulte. Il s’agit de comprendre leur recrutement, leur différenciation, leur intégration dans les réseaux neuronaux, et de déterminer si ces processus influencent la plasticité comportementale chez l’adulte, affectent les troubles du comportement (dépression, stress) et entraînent une régénération post-lésionnelle. Les modalités et les potentialités thérapeutiques des cellules souches feront l’objet d’une attention particulière, compte tenu des espoirs placés dans les biothérapies.
- Comprendre la dynamique et la plasticité du neurone, de la synaptogenèse et des assemblées neuronales (y compris la neurotransmission et le fonctionnement de la synapse) au cours du développement (périodes critiques), à l’âge adulte, au cours du vieillissement et des pathologies neuropsychiatriques. Cet aspect inclut l’analyse des réseaux de signalisations intra- et extracellulaires qui contrôlent l’architecture et la dynamique des neurones et des synapses.
Bien que différents dans leurs objectifs et leurs approches, les neurosciences fondamentales et cliniques se posent les mêmes questions et se complètent. Dans ce contexte, il apparaît important de combler l’espace pouvant exister entre découverte fondamentale et application thérapeutique, en développant la recherche translationnelle. Il s’agit d’accélérer le passage des découvertes scientifiques vers des applications pratiques et vice-versa.
La physiopathologie des atteintes héréditaires du système nerveux, des handicaps sensoriels, des maladies neurologiques et psychiatriques et des troubles du comportement a en effet connu un développement sans précédent. L’élucidation des bases moléculaires de nombreuses affections du système nerveux permet de comprendre les mécanismes des maladies, de créer une nosologie plus précise fondée sur les processus pathogènes et de développer des modèles animaux de plus en plus proches de la pathologie humaine.
Ces avancées doivent maintenant se traduire par une amélioration de la prise en charge des patients : diagnostic, prévention, traitement et réhabilitation. Le spectre des modalités de délivrance des agents thérapeutiques va croissant (nanotechnologies, par exemple) et la nature même de ces agents se diversifie. À côté de la pharmacologie classique, les cellules souches sont l’objet d’un intérêt considérable. Des agents thérapeutiques biologiques (facteurs de croissance, facteurs de survie.) sont activement recherchés et, produit de la recherche fondamentale, les petits ARN interférents viennent prendre place dans l’arsenal de la thérapie génique.
Cet essaimage de la recherche fondamentale vers la recherche clinique s’exerce également en retour : les cliniciens produisent des observations qui conduisent les biologistes vers de nouvelles interrogations. Ce type de recherche suppose de rassembler un ensemble de compétences pluridisciplinaires (physique, chimie, biologie, clinique) et pluri-institutionnelles (académiques, cliniques, industrielles).
Traduire les découvertes fondamentales en traitements applicables à l’homme exige notamment de :
- renforcer la recherche physiopathologique, afin de mieux comprendre les dysfonctionnements à l’origine des symptômes observés dans les maladies neurologiques et psychiatriques et leurs mécanismes intimes ;
- faciliter le développement de modèles cellulaires et animaux prédictifs et pertinents ;
- développer des approches thérapeutiques innovantes et des stratégies efficaces de ciblage des médicaments vers et dans le système nerveux, afin de diminuer les effets secondaires des stratégies thérapeutiques développées, trop souvent à l’origine des échecs cliniques ;
- identifier et valider de nouveaux marqueurs pertinents et si possible quantitatifs des maladies neurologiques et/ou psychiatriques ;
- organiser la recherche clinique sur les maladies neurologiques et psychiatriques en réseaux thématiques et centres experts, pour permettre une évaluation phénotypique de qualité de larges groupes homogènes de patients ainsi que le suivi au long cours de cohortes de patients.
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