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L’une des vocations de la recherche en santé publique est d’apporter aux décideurs et acteurs du système de santé (ministère de la santé, autorités de santé, gestionnaires du système de soin, régimes d’assurance-maladie, professionnels, associations de malades,…) tous les éléments factuels et théoriques de nature à faciliter leurs choix.
Cela nécessite la mise en œuvre de travaux de recherche de diverses natures permettant d’analyser les déterminants de la santé, à travers trois niveaux d’analyse :
- les dimensions individuelles (influence des caractéristiques personnelles généralement inscrites dans le substrat biologique et des comportements des individus sur leur santé) ;
- les dimensions environnementales (influence des produits industriels rares ou de consommation courante, des produits alimentaires, de la pollution, des médicaments, etc.) ;
- les dimensions organisationnelles et institutionnelles (relevant directement du système de soin lui-même, de ses choix stratégiques et de son usage par la population).
Certaines de ces analyses nécessitent la mise en œuvre d’études portant sur une population nombreuse (statistiquement représentative de ce que l’on veut analyser), appelées études de cohorte. À titre d’exemple, la cohorte ELFE, représentative au plan national, rassemblera 20 000 enfants nés en 2010 qui seront suivis de la naissance à l’âge adulte, dans une approche pluridisciplinaire. Elle constituera donc à terme une source irremplaçable de données permettant de comprendre le développement de l’enfant dans son milieu, avec le souci d’étudier les différents facteurs en interaction tout au long du parcours jusqu’à l’âge adulte (facteurs biologiques, familiaux, sociaux, environnementaux, scolaires, comportementaux, sanitaires, nutritionnels) et de comprendre l’impact des situations traversées durant l’enfance sur la santé, le développement physique, psychologique, social et professionnel des personnes.
On conçoit aisément toute l’importance des enquêtes épidémiologiques et des analyses de santé publique de ce type. Sans elles, nous serions privés de l’information essentielle à nos choix de vie et de société, une information d’autant plus indispensable que nous évoluons dans un environnement complexe en mutation rapide. Il a, par exemple, fallu attendre 1956 pour que soit mis au jour pour la première fois le lien statistique entre tabagisme et cancer du poumon grâce à un protocole d’enquête épidémiologique portant sur un très grand nombre de sujets, alors que la consommation de tabac avait commencé quelques siècles plus tôt en Europe ! Les citoyens expriment aujourd’hui une préoccupation forte pour leur santé, pour la compréhension de tous ses déterminants et pour l’efficacité des choix publics en ce domaine.Quelle stratégie scientifique privilégier ?
L’analyse du potentiel de recherche conduite ces derniers mois par l’institut Santé publique met en relief un certain nombre d’atouts de la recherche clinique et en santé publique françaises : pluridisciplinarité en développement dans beaucoup d’équipes, proximité de l’interface entre production des connaissances et intervention qui place la recherche clinique et la recherche en santé publique au cœur des décisions cliniques et de l’élaboration des politiques de santé, réelles qualités d’expertise présentes dans les équipes.
En contrepoint, l’analyse souligne également des faiblesses aujourd’hui bien identifiées car elles sont vécues au quotidien par l’ensemble des chercheurs du champ mais aussi par les utilisateurs de la recherche en santé publique : le relatif émiettement des forces qui nuit à la visibilité nationale et internationale des recherches mais aussi à la capacité de mobilisation des équipes sur des risques sanitaires émergents, des interactions encore insuffisantes entre approches fondamentales, cliniques, en sciences humaines et sociales et en santé publique nécessaires pourtant à une compréhension intégrée des différents facteurs qui interviennent dans l’état de santé de la population.
C’est en regard de ces constats que l’institut Santé publique a placé comme première priorité de son action le soutien au développement de ce que l’on appelle aujourd’hui "les grandes infrastructures de recherche" dans le champ de la clinique et de la recherche en santé publique. Il s’agit concrètement de grands dispositifs d’études observationnelles comme la cohorte ELFE déjà citée et qui sont l’équivalent - en recherche clinique et en santé publique - de ce que sont les grands télescopes en astronomie, à savoir : des observatoires de longue durée de l’évolution de la santé d’une population donnée avec le recueil de tous les facteurs susceptibles d’expliquer cette évolution. Ces infrastructures constituent une puissante incitation au regroupement des équipes de recherche autour d’elles. En effet, elles génèrent une très grande quantité de données de qualité qui appellent des analyses variées et approfondies qu’un seul groupe de recherche ne peut mener à bien. Elles représentent également une incitation au développement d’approches interdisciplinaires, notamment entre fondamentalistes, cliniciens, épidémiologistes et équipes en sciences humaines et sociales compte tenu du caractère multidimensionnel des données collectées au fil du temps.
Sur le plan thématique, l’institut Santé publique souhaite faciliter le développement de recherches dans des domaines où les connaissances doivent être augmentées et élargies en regard des enjeux sanitaires sous-jacents. C’est le cas des relations entre la santé et l’environnement en lien avec la multiplication des produits industriels dans notre environnement quotidien et de la dégradation globale de nos écosystèmes. C’est le cas également du champ du handicap et des incapacités dont l’importance ne peut que croître avec le vieillissement de la population et l’accroissement des maladies chroniques génératrices de handicaps divers.
Par ailleurs, il n’existe pas suffisamment de recherches réalisées en France sur le fonctionnement et la gestion du système de santé, les politiques publiques, sans oublier le domaine de la prévention par comparaison avec l’état de l’art à l’étranger. L’institut Santé publique a donc la responsabilité de stimuler le développement de travaux de recherche dans ces différents domaines en veillant à favoriser des approches interdisciplinaires des sujets abordés.
Fonctionnement du système de santé
Ce domaine de recherche (baptisé Health Services Research dans les pays anglo-saxons) met en relation le fonctionnement des services de santé et la production de santé.Il concerne les besoins, la demande et l’offre sanitaire, ainsi que les structures, les acteurs, les procédures et l’évaluation du système de santé, dans les domaines de la prévention, du diagnostic et de la prise en charge des pathologies.
Au niveau global, cet axe de recherche concerne l’organisation du système de santé et la définition de la stratégie (politiques de santé, programmes, conditions d’élaboration et de mise en œuvre, etc.). Au niveau local, il s’agit de comprendre les modes d’organisation du système de santé et d’accès pour les usagers, les modalités d’arbitrage, la question du comportement des acteurs. L’un des objectifs de ce courant de recherche est d’apporter des éléments d’appréciation utiles aux responsables de la planification sanitaire dans l’allocation des ressources.
Politiques publiques et santé
L’ensemble des politiques publiques, même si elles ne concernent pas directement les thématiques sanitaires, peuvent avoir des effets directs ou indirects sur la santé. On doit donc s’interroger sur la façon dont les politiques publiques, les modes d’organisation sociale et les institutions qui en découlent sont susceptibles d’avoir un impact (positif ou négatif) sur les populations. On peut également, à partir de connaissances sur l’état de santé de la population, s’interroger sur la façon dont les politiques publiques existantes sont adéquates ou non.
Prévention et politiques de prévention
Compte tenu du niveau encore élevé de la mortalité prématurée évitable en France (décès avant 65 ans), l’institut Santé publique souhaite favoriser des recherches cliniques et en santé publique dans deux domaines où les risques pour la santé sont étroitement reliés à des comportements individuels et collectifs : le domaine de la prévention des conduites d’abus et de dépendance aux drogues (tabac, alcool, cannabis principalement) ; celui de la nutrition et de l’éducation nutritionnelle en regard de l’augmentation continue de la prévalence du surpoids et de l’obésité dans la population française et de ses conséquences prévisibles sur la morbidité et la mortalité.
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